CSRD et impact des entreprises sur la biodiversité

CSRD et impact des entreprises sur la biodiversité

Jusqu’à présent, la biodiversité était le thème environnemental le moins étayé des rapports RSE. Elle échappait souvent aux radars des analyses de matérialité de la Déclaration de Performance Extra-Financière (DPEF). L’avènement de l’analyse de double matérialité de la CSRD, avec la prise en compte de l’impact des entreprises sur l’Environnement, change considérablement la donne.

Parmi les 12 normes ESRS (European Sustainability Reporting Standards) de la CSRD publiées par l’EFRAG, l’ESRS E4 est consacré à la biodiversité et aux écosystèmes (https://ec.europa.eu/info/law/better-regulation/have-your-say/initiatives/13765-Normes-europeennes-dinformation-en-matiere-de-durabilite-premier-ensemble-de-normes_fr)

Elle comporte 6 exigences de publication :

  • E4-1 : Plan de transition et prise en considération de la biodiversité et des écosystèmes dans la stratégie et le modèle économique
  • E4-2 : Politiques liées à la biodiversité et aux écosystèmes
  • E4-3 : Actions et ressources liées à la biodiversité et aux écosystèmes
  • E4-4 : Cibles liées à la biodiversité et aux écosystèmes
  • E4-5 : Métriques d’incidence liées à l’altération de la biodiversité et des écosystèmes
  • E4-6 : Incidences financières escomptées des risques et opportunités importants liés à la biodiversité et aux écosystèmes

Si l’analyse de double matérialité met en évidence que la biodiversité est matérielle, selon les critères de la matérialité d’impact ou de la matérialité financière ou des deux, il y aura lieu de prendre en compte la biodiversité.

L’acte délégué de l’Union Européenne fixe des exemptions pour les entreprises de moins de 750 personnes la première année de mise en œuvre de la CSRD, sur les exigences d’information définies concernant la biodiversité.

Par ailleurs, toutes les entreprises pourront omettre les informations suivantes la première année où elles appliqueront les normes : les incidences financières escomptées liées à des aspects environnementaux non climatiques.

Comment mesurer l’impact de l’entreprise sur la biodiversité ?

Il est établi que la mesure de l'impact des activités sur la biodiversité est beaucoup plus difficile à établir que sur le climat.

Dans un rapport publié en mai 2021, la Fondation pour la recherche sur la biodiversité (FRB) identifiait alors,  en collaboration avec l'Office français de la biodiversité (OFB), sept outils de calcul d’impact : Product Biodiversity Footprint (PBF), Product Biodiversity Footprint for Financial Institution (BFFI), Global Biodiversity Score (GBS), Biodiversity Impact Metric (BIM), Species Threat Abatement and Recovery (Star) Metric, Biodiversity Indicator for Extractive Companies (BIEC), Biodiversity Indicator and Reporting System (BIRS).

WWF quant à lui avait publié en 2021 un guide très complet « CAPITAL NATUREL ET STRATÉGIES DES ORGANISATIONS: UNE VISITE GUIDÉE DES OUTILS » (https://www.wwf.fr/sites/default/files/doc-2021-08/20210831_Guide_Capital-Naturel-Strategies-des-organisations_WWF.pdf)

Mais pour ce qui est de l’analyse de double matérialité et de la prise en compte de la biodiversité, voici ce qui est précisément exigé des entreprises soumises ( + de 250 salariés et + de 40 M€ de CA ou + de 20M€ de bilan, tous statuts confondus) :

  • « Une question de durabilité est importante du point de vue de l’incidence (impact) lorsqu’elle a trait aux incidences positives ou négatives, réelles ou potentielles, de l’entreprise sur la population ou l’environnement à court, moyen ou long terme;
  • Les incidences comprennent celles liées aux activités propres de l’entreprise et à sa chaîne de valeur en amont et en aval, y compris par l’intermédiaire de ses produits et services, ainsi que de ses relations d’affaires. Les relations d’affaires peuvent intervenir aussi bien en amont qu’en aval de la chaîne de valeur de l’entreprise et ne se limitent pas aux relations contractuelles directes;
  • Dans ce contexte, les incidences sur la population ou l’environnement comprennent les incidences liées aux questions environnementales, sociales et de gouvernance;
  • L’évaluation de l’importance d’une incidence négative repose sur la procédure de diligence raisonnable définie dans les instruments internationaux que sont les principes directeurs des Nations unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’Homme et les principes directeurs de l’OCDE à l’intention des entreprises multinationales;
  • En ce qui concerne les incidences négatives réelles, l’importance dépend de la gravité de l’incidence, tandis que pour les incidences négatives potentielles, elle dépend de leur gravité et de leur probabilité;
  • La gravité est déterminée sur la base des facteurs suivants :
    (a) l’ampleur ;
    (b) l’étendue ;
    (c) le caractère irrémédiable de l’incidence.
  • Dans le cas d’une incidence négative potentielle sur les droits de l’Homme, la gravité de l’incidence l’emporte sur sa probabilité;
  • Pour les incidences positives, l’importance dépend :
    (a) pour les incidences réelles, de l’ampleur et de l’étendue de l’incidence ;
    (b) pour les incidences potentielles, de l’ampleur, de l’étendue et de la probabilité de l’incidence. »
  • Dans le cadre particulier de l’ESRS E4 « Biodiversité et Ecosystèmes », l’analyse de double matérialité doit plus particulièrement prendre en compte :
    « (a) la contribution de l’entreprise aux vecteurs d’incidence directs sur la perte de biodiversité :
    - le changement climatique ;
    - le changement d’affectation des terres (p. ex., artificialisation des sols), ainsi que le changement d’utilisation des eaux douces et des mers ;
    - l’exploitation directe ;
    - les espèces exotiques envahissantes ;
    - la pollution ;
    - les autres vecteurs ;
    (b) les incidences (impacts) sur l’état des espèces (taille des populations, risque d’extinction mondiale, notamment) ;
    (c) les incidences (impacts) sur l’étendue et l’état des écosystèmes, notamment dues à la dégradation des terres, à la désertification et à l’imperméabilisation des sols ;
    (d) les incidences (impacts) et dépendances vis-à-vis des services écosystémiques. »

Enfin, il est précisé que l’entreprise peut utiliser la méthode LEAP (Locate, Evaluate, Assess, Prepare) pour effectuer cette analyse d’impact :

  • « L’entreprise évalue l’importance de la biodiversité et des écosystèmes dans ses opérations propres et en amont et en aval de sa chaîne de valeur, et peut mener son évaluation de l’importance conformément aux trois premières étapes de l’approche LEAP : Localiser (situer les connexions avec la nature- paragraphe AR 7), Evaluer (évaluer les dépendances et impacts - paragraphe AR 8), Analyser (estimer les risques et opportunités - paragraphe AR 9) et, sur cette base, Préparer la réponse stratégique et le reporting.

Si les entreprises soumises à la CSRD ont identifié la biodiversité comme un enjeu environnemental matériel, elles gagneraient à adhérer à l’initiative « Entreprises engagées pour la nature ». En effet, lors de la présentation en novembre dernier de la nouvelle « Stratégie nationale pour la biodiversité », le Gouvernement a fixé l'objectif de 5 000 entreprises engagées ayant présenté un plan d'action ambitieux en 2030, avec cette initiative.

« Entreprises engagées pour la nature » a pour ambition d'engager les entreprises en faveur de la biodiversité. Elle vise à faire émerger, reconnaître et valoriser des plans d'actions d'entreprises. Elle s'adresse aux entreprises de toutes tailles et de tous secteurs d’activité, initiées ou débutantes en matière de biodiversité et qui veulent s’engager concrètement. Des actions de sensibilisation (Fresque de la biodiversité) , de formation et bien sûr de renaturation des sites que Biodiversio peut mettre en œuvre aux côtés des entreprises engagées pour la nature.